Conférence Paiement et Diversité : Feedback

Paiements : vers une mosaïque humaine et culturelle

Diversité. Tel a été le maître-mot de la deuxième conférence de l’European Women Payments Network (EWPN) France, organisée le 12 février 2019 à Paris. L’événement, qui a réuni une série de professionnels de cet écosystème en mutation, a permis d’analyser les différents vecteurs de diversité du marché et les enjeux prospectifs inhérents à l’arrivée des nouveaux entrants.

Si le secteur des paiements constitue un exemple de diversité dans les marchés financiers et dans la Tech en général, c’est tout d’abord en raison de son histoire. En effet, d’une considération nationale, ce secteur franchit progressivement le cap de la globalisation, en passant par l’européanisation, poussée par les institutions et les acteurs du terrain. Illustrations : le contexte post-SEPA, les initiatives individuelles de déploiement européen, à l’image du groupe bancaire BPCE ayant récemment développé une activité à Porto sous la marque Natixis Portugal, les stratégies globales poussées par les acteurs de la nouvelle économie comme N26 ou encore Revolut, pour qui les frontières et réflexions purement nationales n’ont plus de sens, ou encore les velléités européennes des institutions dédiées à la fintech, à l’image de l’Aefi Espagne ou encore d’Italia Fintech, pour qui la définition d’une position commune, à l’échelle européenne, semble essentielle. Cette diversité géographique, réelle sur le terrain, n’est pas sans véhiculer richesse et inspiration culturelle. En effet, comment ne pas imaginer qu’au sein de la mosaïque européenne, les pays et acteurs aux histoires et habitudes distinctes se côtoient sans s’influencer et se nourrir en matière de stratégie et de positionnement ? Les récents débats sur l’adoption de la DSP2 au Portugal témoignent de cette réalité, les acteurs s’étant largement inspirés des modèles observés sur les autres Etats.

Mais la diversité géographique, si concrète soit-elle, ne se limite pas au seul contexte européen. L’émergence de technologies nées du Web et transfrontières par essence et les velléités des géants du Web contribuent à faire de l’ouverture du marché une source de diversité non seulement géographique mais également sectorielle. De quoi impliquer certaines réflexions en termes de reconfiguration de l’échiquier, mais également, à l’intérieur des entités, de nouvelles façons de travailler et de considérer l’exercice professionnel. « Nous passons progressivement d’un modèle vertical, hiérarchique, à une horizontalité », explique ainsi Estelle Brack, Chief Economist, Natixis Payments, citant l’exemple des réseaux sociaux et des facilités communicationnelles qu’ils impliquent pour illustrer la facilité des liens dans le contexte 2.0.

Diversité et ouverture au cœur de la reconfiguration de l’échiquier des paiements

Mais cette diversité, si positive soit-elle, n’est pas sans enjeux et interrogations pour le marché. Tout d’abord, d’un point de vue juridique, la convergence des réglementations – DSP2, LAB/LAT, RGPD, cybersécurité… – et l’arrivée de nouveaux entrants constituent « un vecteur d’abondance » propice à la complexité, assure Aurélie Banck, Directeur de Département, cabinet Alain Bensoussan. De quoi faire évoluer les professionnels de la compliance vers des métiers plus liés au risk management et d’accroître une nécessité : la mise en relation des professionnels de la compliance avec les autres fonctions de l’entreprise, notamment technologiques et marketing, afin que ces derniers sortent du microcosme juridique et embrassent toutes les évolutions inhérentes à leur secteur d’activité. Cela confirme bien que les fonctionnements en réseaux et la pluridisciplinarité des profils sont à l’ordre du jour dans le secteur des paiements. Au sein de la société Lemon Way, acteur de la nouvelle économie positionné en France et en Europe, cette volonté a déjà été concrétisée. « Parmi les profils recrutés figurent des anciens de la banque, de la fintech et de la régulation, du retail, mais également des consultants, des juristes et des professionnels d’autres industries », déclare Karine Coutinho, Chief Marketing et Communication, ajoutant que la société compte « quatorze nationalités et dix langues parlées », en plus d’une réelle diversité en termes d’âge et d’expérience. De quoi confirmer que les nouveaux acteurs apportent de nouvelles visions marché et entrepreneuriales propices à la refonte des modèles. « Nous devons considérer l’entreprise comme un organisme vivant », affirment ainsi Pierre Ferrere et Claire Couroyer, fondateurs, Philo&Coaching, ajoutant que, dans le monde actuel, la rigidité et les fonctionnements en silos ne doivent plus être de mise.

La parité hommes / femmes enjeu de l’évolution du secteur

Les diversités géographique, sectorielle et culturelle, constituent donc les fils conducteurs de la mutation du marché des paiements, lequel n’est également pas exclu des débats sociétaux liés à une autre forme de diversité : la parité hommes/femmes. « Chez Lemon Way, 33% de femmes sont représentées au comité de direction et nous comptons deux développeuses web sur dix », illustre Karine Coutinho, ajoutant, non sans ironie « qu’il y a six mois, ces chiffres n’étaient pas les mêmes ». Pour Alain Clot, Président de France Fintech, la situation est avant tout liée au sujet de l’éducation, les femmes n’étant pas spontanément orientées vers les métiers du numérique et la plupart des femmes du secteur de la fintech étant arrivées dans ce marché « par hasard ». L’intéressé dresse un profil type de la femme dans fintech : « âgée de 34 ans, habitant à Paris, ayant moins d’un enfant, dix ans d’expérience globale et quatre ans dans le milieu de la fintech ». Ce marché compte ainsi 33,1% de femmes en 2018, contre 31% en 2017 et 29% en 2016. « 10% des dirigeants de fintech sont des femmes. En Europe, elles sont 5%. 28% des femmes de la fintech occupent une fonction de direction. 22% des femmes de la fintech travaillent dans le secteur du paiement et du crowdfunding », détaille-t-il. Une situation qui implique une série d’actions allant de la prise de conscience à la véritable course vers l’équité hommes/femmes pour ces acteurs de la nouvelle économie. « Les femmes constituent une profonde richesse pour notre secteur. Elles ont, bien souvent, une vision différente du marché et ont la capacité de créer des liens et de faire preuve d’esprit consensuel contrairement à l’aspect territorialité bien souvent observé chez leurs homologues masculins », analyse Alain Clot. Et de fait, comme le démontrent les initiatives observées sur le marché français avec les associations Women in Fintech, Digital Ladies, ou encore Femmes du Numérique, sans oublier, plus récemment, French Tech Tremplin avec 15 millions d’euros investis par le Secrétariat d’Etat au Numérique pour favoriser la diversité dans la Tech, la problématique semble réellement prise en compte dans l’Hexagone. N’oublions pas que le sujet est également européen, comme le démontrent les actions entreprises par Women in Tech Spain en Espagne, Portuguese Women in Tech au Portugal, ou encore l’European Women Payments Network qui vise à fédérer les femmes professionnelles du marché des paiements en Europe dans un objectif de partage. De quoi impulser au moins une prise de conscience, si ce n’est une réelle et profonde évolution du marché.

Andréa TOUCINHO

Pôle Études | Partelya Consulting

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