Instant payment : l’écosystème européen reste à construire, selon EquensWorldline

EquensWorldline a réuni, le 21 mai au matin à la Défense, une série d’entités financières et d’experts en moyens de paiement afin de réfléchir à la thématique de l’instant payment, foncièrement d’actualité au sein de l’écosystème européen. Partant d’une réalité terrain caractérisée par une fragmentation historique et culturelle en matière de paiement, les acteurs ont rapidement convergé sur la source d’opportunités que représente cette innovation aussi bien sur les clients particuliers qu’entreprises.

En matière d’instant payment, l’écosystème européen reste à construire. L’introduction de Sylvie Calsacy, Head of payment strategy, Worldline, le 21 mai lors de la Matinale « Instant Payments » organisée par EquensWorldline, n’a pas été exemptée d’illustrations terrain. « iDeal, créé en 2006, représente 400 millions de transactions. Un précédent démontrant que le virement peut être largement développé dans un pays européen », indique-t-elle, complétant son exemple avec le modèle Sofort ayant effectué une véritable « percée » en Allemagne, ou encore Klarna qui représente « plus de 50 % du marché » en Finlande. Des cas prometteurs qui, complétés aux solutions de facturation proposées en Suisse et en Pologne, confirment bien que le consommateur européen est appétent au virement. Une question se pose parmi tous ces exemples : qu’en est-il de la France, marché largement dominé par la carte de paiement ? « La France a encore une marche à franchir pour arriver dans le peloton de tête en Europe, et cela se fera à travers les use cases », affirme avec conviction l’intéressée. De quoi confirmer qu’en Europe, région riche en modèles, usages et histoires, l’écosystème de l’instant payment reste à construire. Au centre de ce développement, l’harmonisation des cas d’usage et des modèles économiques, caractérisés aujourd’hui par des tarifications allant de la gratuité (Pays-Bas) à plus de 4 euros l’instant payment (Italie). « Cette question se jouera dans la relation entre paiement et service », pointe Sylvie Calsacy.

Le consommateur européen appétent au virement

Invité par partager son expérience, Rémi Tanon, responsable innovation et projets de place, Bred Banque Populaire, a dressé une analyse objective des potentialités de l’instant payment pour le secteur bancaire européen. « Le paiement instantané existe depuis 1973 au Japon. Pourquoi le lancer maintenant dans l’écosystème européen ? », interroge-t-il. Sa réponse se veut géostratégique : « Cette innovation s’inscrit dans un contexte de concurrence globale marquée par les ambitions d’acteurs du type Alibaba, qui bénéficient d’une force de frappe sans précédent. Ce contexte force les acteurs à s’améliorer et à se moderniser. D’autant plus que cette concurrence se conjugue avec une autre évolution : l’adoption de la DSP2 qui pousse les acteurs à s’ouvrir. Tout l’enjeu de l’évolution du marché repose sur le triptyque DSP2/IP/RGPD ».

Autre point de vue bancaire, cette fois hors de l’Hexagone : la banque néerlandaise Knab, représentée à la conférence par son senior product owner Alexander Vinke. « L’implémentation de l’instant payment chez Knab a démarré à partir d’un constat : les consommateurs étant de plus en plus connectés, ils aspirent à de l’instantanéité, y compris au niveau des services financiers ». Dans ce contexte, Knab a choisi de déployer l’instant payment selon le standard néerlandais, c’est-à-dire « en cinq secondes » et gratuitement. Rappelons ainsi que le passage du virement au virement instantané constitue aux Pays-Bas une « évolution naturelle » – « new normal ». C’est pourquoi Knab a choisi de proposer l’innovation dans la totalité des packages bancaires aussi bien aux clients particuliers qu’entreprises, sans différenciation. « Dès le mois d’août, nous serons en mesure de recevoir l’instant payment selon le standard européen », indique-t-il. Partant de cette illustration, comment faire de l’instant payment une valeur ajoutée dans le marché français ? Proposition de Jean-François Delorme, partner, DXC Technology : « il faut trouver des use cases pertinents pour bâtir un écosystème ».

Repenser l’organisation et la construction des produits

Et de fait, l’intéressé, après avoir cité l’exemple de Buyster dont tout professionnel des paiements français a forcément entendu parler, atteste que « la condition de succès d’un système de paiement est la rapidité de l’implémentation et de la mise en marché ainsi que l’approche customer centric ». A ce titre, la réglementation constitue à ses yeux une opportunité : « l’extension » et « l’amélioration » des services. En somme, une idée qui signifie que l’instant payment, conjugué à l’ouverture du marché découlant de la DSP2, va forcer les acteurs à « repenser leur organisation », par exemple en termes de back office, ou encore de sécurité, et à refondre « la construction des produits ». Une situation qui se vérifie également chez les acteurs de la demande. « L’instant payment peut permettre une meilleure adhésion aux moyens de paiement électroniques pour les entreprises », assure ainsi Ladan Eteman, payment business development, Worldline. Côté retail, l’enjeu est plus complexe : « l’instant payment doit trouver sa place dans une gamme de moyens de paiement déjà fortement développée et caractérisée par l’importance de la carte de paiement », en sachant que cette innovation n’est pas exemptes d’opportunités : renforcement du taux de transformation, refonte des modèles économiques liés aux moyens de paiement, accompagnement ou intégration dans la politique de transformation digitale de l’enseigne et possibilité de proposer des solutions de paiement selon une approche verticale via un « match » entre un instrument/une typologie de consommateurs/un usage. Pour Ingrid Winter, market head retail & industry, Worldline : il faudra ensuite « positionner ce nouvel outil pour en faire le moyen de paiement préféré des consommateurs ».

Andréa TOUCINHO

Pôle Études | Partelya Consulting

 

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