La Banque Centrale Européenne (BCE) a réalisé en avril 2019 une étude* sur les cartes de paiement en Europe. Intitulé « Cards payments in Europe – Current landscape and future prospects : a Eurosystem perspective », le rapport se veut un support de réflexion sur les axes de développement du marché de la carte de paiement dans un écosystème européen de plus en plus régulé et ouvert à l’innovation, mais toujours relativement fragmenté en termes d’usages et d’habitudes de consommation.
« Le Single Euro Payments Area (SEPA) est désormais réalité avec près de 500 millions de citoyens utilisateurs de prélèvements et virements harmonisés. A contrario, les cartes de paiement sont toujours caractérisées par le même manque d’intégration et d’harmonisation des usages, pratiques, et standards techniques, alors même que c’est l’un des moyens de paiement qui connaît le taux de croissance le plus élevé en Europe […] ». Cette introduction du rapport de la BCE reflète une réalité depuis longtemps soulevée par de nombreux professionnels des paiements en France et en Europe : l’hétérogénéité du marché européen des cartes de paiement. Or, alors même qu’il y a quelques années, débats et travaux ont nourri certaines réflexions sur ce sujet, l’impératif se veut aujourd’hui de plus en plus urgent, compte tenu, d’une part, de la réalité terrain d’un marché désormais post-SEPA avec un instant payment fer de lance de la souveraineté européenne dans une économie globalisée, mais également avec les évolutions des usages des consommateurs européens, toujours plus tournés vers des solutions dématérialisées et crossborder. Selon le rapport de la BCE, « avec près de 70 billions de paiements en 2017, les cartes de paiement sont le moyen de paiement électronique le plus utilisé en Europe, totalisant déjà plus de la moitié (52 %) des transactions non-cash ». Dès lors, comment poursuivre la construction de l’Europe des paiements sans une harmonisation de l’écosystème carte ? Question centrale soulevée par ce rapport.
Ainsi, selon la BCE, « l’implémentation d’un scheme européen de l’instant payment et le développement d’une infrastructure commune et interopérable » dans ce domaine pourraient créer une nouvelle occasion d’interconnecter les systèmes cartes existants. « L’utilisation d’une infrastructure de paiements instantanés nouvellement créée pourrait être un moyen de soutenir le lien et l’interopérabilité des schemes cartes nationaux et, si la couverture paneuropéenne est assurée, fournir une alternative possible à l’établissement d’un scheme carte européen », indique l’entité, ajoutant que « pour promouvoir l’utilisation d’un tel système, il serait utile d’avoir un logo européen commun indiquant la possibilité d’utiliser les cartes de schemes nationaux au niveau européen ». Car malgré certaines initiatives, notamment industrielles, pour favoriser la standardisation – particulièrement du point de vue acquisition – l’écosystème carte reste fragmenté en Europe, avec certains schemes nationaux encore relativement poussés par les acteurs locaux comme Multibanco au Portugal ou Pagobancomat en Italie. Selon la BCE, cinq facteurs clés sont identifiés pour favoriser l’innovation dans le marché carte européen : les priorités business et la valeur ajoutée que représente cet écosystème, la sécurité et la gestion des risques, l’expérience client, le renforcement de la concurrence avec des moyens de paiement non carte comme l’instant payment, et les wallets, en sachant que le risque principal reste, encore à ce jour, le renforcement de la fragmentation du marché, qui serait néfaste à la poursuite de la construction de l’Europe des paiements. Reste à savoir comment les acteurs du terrain aborderont ce challenge.