La diversité n’est pas encore une réalité au sein du secteur des services financiers mais elle est néanmoins perçue comme un facteur de développement et un cercle vertueux pour les entités financières. Tel est l’un des constats du séminaire organisé le 30 janvier 2020 à Paris par l’European Women Payments Network (EWPN) France et La Banque Postale*.
“The end of the tunnel -seeking the light : inclusion, diversity and the end of institutionalised tunnel-vision”**. Tel est le nom de l’étude réalisée à l’été 2019 par l’European Women Payments Network (EWPN) en collaboration avec Banking Circle. Objectif : mesurer la diversité dans le secteur des services financiers et établir des recommandations permettant aux ressources humaines de ce secteur d’activité de réfléchir à des pistes d’amélioration.
Réalité chiffrée et ressenti tangible
Un constat s’impose d’emblée : les femmes représentent 2 % de CEO et moins de 20 % d’executive board members dans les services financiers, selon cette étude qui a été réalisée grâce à 300 entretiens avec des professionnels des services financiers. Plus qu’une réalité chiffrée, la diversité représente également une problématique en termes de ressenti puisque 37 % des personnes interrogées ressentent un déséquilibre de genre au sein de leur entreprise. 38,5 % des sondés estiment qu’ils n’ont pas accès aux mêmes opportunités et/ou récompenses que les autres en raison de leur genre. 59 % d’entre eux pensent en outre que leur industrie n’encourage pas assez la parité et la diversité. Parmi les principaux facteurs de déséquilibre figurent le genre (37 %), le niveau d’éducation (35 %), et l’âge (30 %). L’étude révèle en outre que 53 % des personnes interrogées affirment que leur employeur n’a pas développé de politique spécifique ou d’initiative pour inciter et soutenir la parité et la diversité. Un constat partagé par les participants du séminaire organisé par l’EWPN et La Banque Postale le 30 janvier 2020 dans la mesure où la diversité qui constitue, d’un point de vue purement sémantique, « l’ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres par leur origine géographique, socio-culturelle ou religieuse, leur âge, leur sexe… et qui constituent la communauté nationale à laquelle elles appartiennent », ne se reflète pas encore, d’un point de vue RH, au sein des entités financières qui sont, selon l’étude, « dominées par une majorité d’hommes d’âge mûr et de classe moyenne, souvent d’origine européenne ou américaine ». Néanmoins, la diversité est identifiée de façon claire comme source d’opportunités pour l’évolution du secteur.
Mutation sociétale et évolution sectorielle
Tout d’abord en raison d’un critère sociétal : le renouvellement générationnel et l’arrivée sur le marché de l’emploi des Millennials qui vont contribuer à modifier les codes de cette société. Mais ce n’est pas tout. Rappelons que le secteur des paiements se trouve également dans une phase d’ouverture – réglementaire, sectorielle, géographique – renforçant les opportunités dans ce domaine. Alors même qu’il y a quelques années, les paiements faisaient essentiellement l’objet de travaux réalisés par des acteurs spécifiquement formés sur cette thématique, le recrutement se veut aujourd’hui beaucoup plus large, incluant parfois des profils relativement éloignés du pur monde bancaire. Et pour cause, comme le démontre l’exemple de La Banque Postale, pour qui la diversité est partie intégrante du positionnement de banque citoyenne, les entités financières ont tout à gagner à profiter des opportunités de la diversité. Faculté d’adaptation de l’entreprise, résilience au risque, réduction du turn-over, meilleure performance, etc. Les vertus de la diversité sont nombreuses et encore à explorer. Une question semble néanmoins primordiale : comment accélérer cette évolution dans un secteur d’activité reposant sur un historique et une assise institutionnelle des plus solides ? Parmi les principales recommandations figurent le fait de travailler sur la culture d’entreprise pour promouvoir l’esprit d’équipe en remplacement du fonctionnement « paternaliste », la création de forums et des programmes de mentoring dédiés aux employés, ou encore la promotion de la flexibilité du travail, également dans l’air du temps. N’oublions pas également l’importance de l’éducation – ou comment former les jeunes générations selon un précepte d’égalité de l’accès aux différents secteurs d’activité – ainsi que la place des « role models » contribuant à la matérialisation de cette transformation sociétale progressive.
*Séminaire organisé avec Estelle Brack, Régis Folbaum, Laurence Makatcheff, Guillaume de Roucy, Anne-Laure Bourn, Chiara Condi, Audrey Rochas et Alice Holzman
** https://ewpn.eu/diversity-inclusion-white-paper/
RH : pour une culture du management inclusive Favoriser la diversité au sein du secteur des services financiers passe également par un effort à réaliser dans le domaine des ressources humaines. Selon Matthieu Lassagne, coach HPI, « les femmes reçoivent souvent des injonctions pendant l’enfance [et sont amenées] à avoir un certain rôle et à ne pas s’autoriser à s’émanciper pleinement ». Par conséquent, « trouver sa juste place, au travail, dans ses relations aux autres, sa juste place de leader, c’est souvent tout le sujet », poursuit-il. Or, les organisations ont besoin « d’énergie féminine » (écoute, pensée globale, empathie) et du haut potentiel (fulgurance intuitive). « En finance, par expérience, la culture est très masculine […] et le management est très orienté actions et parfois lié à une compétition d’egos », explique Matthieu Lassagne. Recontextualisant le sujet dans le domaine des paiements, il atteste que « l’intelligence, avec les changements dans les paiements, va devenir un facteur de survie. Or l’intelligence d’une équipe dépend de sa mixité et de l’inclusion de quelques HPI ». Et de conclure : « Il conviendrait de renforcer la formation pour une culture de management inclusive (pour les femmes et les HPI notamment) ».
|
Par Andréa TOUCINHO, Directrice Études, Prospective et Formations,
Pôle Études | Partelya Consulting