ÉDITO MAI 2019
Tous les professionnels du marché européen des paiements le savent : si les acteurs et institutions ne lésinent pas sur les moyens de doper l’accélération du marché, l’adoption des innovations, elle, se veut relativement lente. D’aucuns parlent même « d’inertie » du marché des paiements, observée dans plusieurs pays. Et pour cause, si l’on se réfère à l’engagement des institutions – notamment européennes -, la volonté de faire avancer les choses est flagrante : migration SEPA, émergence de moyens de paiement post-SEPA et 100 % européens comme l’instant payment, harmonisation des règles et définition progressive d’un cadre législatif européen dédié au numérique – DSP2, RGPD, e-IDAS, etc. Tous les ingrédients sont réunis pour développer ce concept d’Europe des paiements qui devient peu à peu réalité. Mouvement qui s’accompagne d’une prise de conscience – pour certains progressive – émanant des acteurs du terrain sur l’importance de développer les innovations dans un cadre sécurisé en favorisant, autant que faire se peut, la souveraineté européenne dans le secteur des paiements.
Néanmoins, sur le terrain, même si les initiatives fleurissent, le temps de maturation entre lancement commercial et adoption par le consommateur final se veut souvent long. Exemple : le chèque, dont beaucoup de professionnels ont souhaité le déclin et qui est toujours présent dans certains usages B2C et B2B, notamment en France, mais pas seulement, puisque le Royaume-Uni lui-même avait défini une date butoir pour l’arrêt du chèque et était revenu sur sa décision en raison de la pression de certaines associations. Le sans contact pourrait également constituer un autre exemple : certes reconnu et utilisé aujourd’hui, ce dispositif avait été médiatisé dès 2008 dans le marché des paiements, soit un total de dix ans pour aboutir à une utilisation maximale. Une question s’impose : comment s’explique ce temps de maturation dans l’adoption des nouveaux outils ? Un premier élément pourrait être pointé : la prise en compte parfois mitigée de l’importance de la pédagogie et la communication. Par le passé, certains professionnels du marché ont ainsi préféré attendre l’équipement de la totalité des maillons de la chaîne avant de médiatiser une innovation. D’où une adoption progressive. Cet élément semble évoluer dans le bon sens, aujourd’hui, si nous nous référons aux mesures pédagogiques entreprises par de nombreuses institutions, en France et en Europe. Exemples : les mesures d’éducation financière de la Fédération Bancaire Française (FBF), en France ; les séminaires académiques sur les technologies émergentes de type blockchain entreprises par certaines institutions italiennes ; les publications et livres blancs dédiés à l’information marché et consommateurs publiés par les acteurs de la fintech espagnols ; ou encore les vidéos de type tutoriels réalisés par Banco de Portugal pour familiariser les consommateurs portugais aux nouveaux usages digitaux, notamment l’instant payment.
Ces observations européennes démontrent bien que les marchés nationaux, certes fragmentés, convergent tous vers une meilleure prise en compte de l’information client. Une évolution d’autant plus primordiale que le renouvellement générationnel suppose que la clé de l’adoption des nouveaux outils reposera aussi sur un équilibre à trouver entre les besoins d’une génération actuelle habituée aux instruments existants et donc devant être « incitée » ou « encouragée » à passer aux nouveaux instruments – l’exemple du consommateur français lambda utilisateur de carte de paiement est significatif dans ce domaine – et un segment de Millennials nativement utilisateurs d’outils dématérialisés qu’il faudra orienter et accompagner sur la partie services financiers et moyens de paiement pour garantir une évolution pérenne et sécurisée du marché. De quoi démontrer une nouvelle fois que les prochaines années seront déterminantes pour le secteur des paiements.