Transformation digitale : du pari sectoriel à l’évolution sociétale et géostratégique pour l’Afrique de demain
Réunis à Marrakech les 29 et 30 mars 2019 pour l’Africa Pay & ID Expo, les professionnels des paiements de la région africaine ont débattu sur les potentialités de la transformation digitale et les contours (géo)stratégiques entourant cette évolution. Sécurité, stratégie et société sont concernés par ce stade décisif pour une région de plus en plus considérée comme l’un des pôles d’avenir de l’économie mondiale.
« Réussir le pari du cashless en Afrique : est-ce une illusion ? ». Telle a été l’une des interrogations posées lors de l’événement Africa Pay & ID Expo organisé à Marrakech les 29 et 30 mars 2019. Et pour cause, dans une région dont les modèles financiers et monétiques sont basés sur un écosystème pluriel – la sous-bancarisation expliquant la pénétration de secteurs d’activité connexes à l’image des telcos – le passage au tout digital semble être une étape primordiale pour booster l’économie. Par ses avantages en termes de dématérialisation et de flux par essence transfrontaliers, le numérique semble être tout d’abord un pari sécuritaire porteur pour lutter contre la corruption mondiale et répondre aux spécificités de pays parfois marqués par des fragilités politiques et sociétales. Mais ce n’est pas tout.
Si la transformation digitale constitue une évolution positive, c’est également car le faible taux de bancarisation offre aux banques une marge de manœuvre considérable pour expérimenter des propositions servicielles pouvant parfois servir de source d’inspiration en Europe. Sur ce sujet, le point de vue d’Yves Eonnet, CEO, TagPay Inc., est clair : « des propositions à forte valeur ajoutée peuvent être lancées sur le continent africain grâce au digital ». L’avènement de la technologie constitue également une opportunité pour adresser un sujet spécifique, en l’occurrence celui de l’inclusion financière, le digital offrant de multiples outils permettant aux acteurs d’adresser des niches spécifiques échappant aux modèles traditionnels. A la question « la monétique classique disparaîtra-t-elle dans un environnement totalement digitalisé ? », les acteurs se veulent ainsi prolixes, notamment Mikael Naciri, directeur général, Centre Monétique Interbancaire (CMI), qui conçoit le secteur de l’administration comme réel booster du digital dans les services financiers, au bénéfice de la société. De là à aboutir à l’émergence de modèles similaires à l’Europe – qui rappelons-le, travaille actuellement sur le déploiement d’un instant payment totalement européen répondant à une stratégie aussi bien technologique et stratégique que, ne l’oublions-pas, géopolitique – dans un contexte d’universalité et d’interopérabilité, les points de vue se veulent en revanche plus nuancés, la fragmentation des usages et modèles de la région africaine étant incomparables à la situation de l’Europe.
Et de fait, comment établir une comparaison entre des pays du Maghreb – dont certaines banques ont déjà amorcé la transformation digitale – avec l’Afrique subsaharienne essentiellement utilisatrice de cash ? Fragmentation qui s’illustre également dans le domaine économique, certaines régions étant par exemple essentiellement rurales alors même que d’autres se veulent positionnées dans une économie mondialisée à l’image de l’Afrique du Sud ou encore de l’Angola, ancienne colonie portugaise exportatrice de diamants et pierres précieuses. Cette mosaïque économique, politique et sociétale n’a néanmoins pas freiné la constitution d’un pôle africain de la fintech. Preuve que la région est consciente du poids des blocs dans l’économie globalisée.