Les 18, 19 et 20 février 2020 s’est déroulé, à Berlin, en Allemagne, le salon Merchant Payments Ecosystem (MPE) dédié à l’évolution du paiement et du retail à l’échelle européenne. 1200 professionnels et experts de l’écosystème européen étaient réunis à cette occasion. Parmi les principaux sujets de débat : l’open banking, la DSP2 et l’enjeu de l’authentification forte, sans oublier la globalisation des paiements et l’arrivée des big techs. Nouveauté 2020 : la prise en compte de la thématique RH, considérée comme essentielle à l’évolution de ce secteur d’activité.
Le marché des paiements est un marché de volumes. La « scalability » constitue donc l’un des enjeux majeurs de l’évolution de cet écosystème. C’est sur cette note business qu’a été introduit le salon MPE Berlin, le 18 février 2020 au matin, par son traditionnel ambassadeur David Birch, expert du secteur.
L’enjeu du volume et de la « scalability »
Si cette considération est déjà une réalité dans certaines régions du monde comme les Etats-Unis ou encore l’Asie, un important chemin reste à parcourir en Europe, ou encore en Afrique, région qui réfléchit et travaille également sur le sujet de l’interbancarité. Créer un marché européen des paiements totalement intégré n’est pas chose aisée mais l’enjeu est cerné. La preuve avec le rapprochement entre Worldline et Ingenico, qui matérialise parfaitement la quête de volume. Parmi les prochaines étapes phares du marché européen des paiements : la régulation et l’open banking qui apportera son lot de transformation et mutation des modèles. N’oublions pas également la fluidification du parcours d’achat et la recherche d’efficience technologique, objectifs poursuivis côté banque et retail pour répondre à une demande de plus en plus exigeante des consommateurs. Sur ce point, les experts n’ont pas lésiné sur les prévisions. A l’instar de la biométrie, l’une des technologies considérées comme clé pour l’évolution des parcours d’achat n’est autre que l’intelligence artificielle (IA). Selon les professionnels, le couplage entre IA et e-commerce pourrait aboutir, à horizon 2030, à une relation plus personnalisée et sécurisée avec le client grâce par exemple à des recommandations sur-mesure ou encore à des achats automatisés. De quoi séduire une jeune génération avide d’instantanéité et de services digitaux, que ce soit dans le domaine du shopping ou du paiement. « La génération hashtag », selon Rory O’Neill, chief marketing officer de la société britannique Planet, pourrait ainsi constituer un « booster » déterminant dans la fluidification des parcours client en ligne et en magasin.
L’open banking, source d’opportunités pour les banques
L’autre sujet d’attention des professionnels et experts européens du marché des paiements n’est autre que l’open banking. Premier constat : s’il constitue une tendance en cours de développement au niveau de l’écosystème européen, l’open banking est déjà une réalité dans différentes régions du monde. Selon Paul Stoddart, président, MasterCard, ce concept est à la fois nourri par la réglementation et le terrain. Il s’inscrit dans une tendance marché claire : la nécessité de redonner le pouvoir aux consommateurs sur l’utilisation de ses données. Et, surtout, c’est une immense source d’opportunités pour les banques. Refonte des modèles, nouveaux services, le terrain semble propice à la créativité au bénéfice des acteurs bancaires. Concrètement, l’open banking force les banques à trouver des moyens de paiement alternatifs et à investir dans des solutions innovantes, comme par exemple les marketplaces.
Ce même cercle vertueux est observé avec l’arrivée des big techs sur le marché des paiements. De la même manière que l’open banking, cette typologie d’acteurs pousse à la remise en question et à la refonte des modèles, en sachant que des risques existent, bien évidemment, l’Europe étant une source incontestable d’intérêt pour les acteurs du Web. Ainsi, selon Yimei Wenyang, managing director d’Alipay (Europe) : « La Chine est un marché très distinct de l’Europe. Ce pays considère l’Europe comme une région riche en défis. Toute la question repose cependant sur le fait de savoir si nous observerons ou pas, à terme, une harmonisation globale des usages en matière de paiement ? ». Une interrogation à laquelle l’intéressée a répondu dans la foulée : « Différents aspects sont à prendre en considération et à étudier : les différences entre générations, les habitudes nationales, ou encore le clivage rural/urbain ». De quoi confirmer la complexité et la richesse de l’Europe des paiements.
Paiement & RH : un enjeu d’avenir
Mais le salon MPE Berlin ne s’est pas limité à analyser les tendances marché inhérentes à l’écosystème des paiements. L’événement s’est également voulu leader d’opinion sur des problématiques RH propres à notre écosystème. Tout d’abord via un partenariat avec l’European Women Payments Network (EWPN), matérialisant son engagement sur le sujet de la diversité. Ensuite, via un workshop instructif sur l’analyse de l’évolution du rôle et de la place du professionnel des paiements. La thématique du « talent resourcing » a ainsi permis de dégager certaines « best practices » devant être adoptées par tout professionnel de cet écosystème. En premier lieu, le networking, considéré comme clé dans un secteur reposant de plus en plus sur une co-construction multisectorielle et une ouverture géographique. Ensuite, savoir conjuguer le « branding » et le « name branding », ou, en d’autres termes, avoir une visibilité pour le compte de son employeur mais aussi en tant qu’expert à part entière. Selon les professionnels, les trois défis clés des acteurs des paiements reposent sur la résilience émotionnelle – les perpétuelles évolutions du marché conduisant à l’absence totale de zone de confort –, l’habilité à « networker » aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, et la bonne connaissance des acteurs et des technologies. Le secteur se veut de plus en plus pluridisciplinaire, impliquant qu’il n’y a pas de profil type susceptible d’être recruté pour travailler dans les paiements. La preuve : la totalité des speakers s’étant exprimé sur le sujet pendant l’événement avaient démarré leur carrière dans un secteur d’activité autre que le paiement. « De nos jours, tout profil peut être intéressant pour contribuer à l’évolution du secteur des paiements, aussi bien un diplômé d’école d’ingénieurs qu’une universitaire spécialisée dans les sciences politiques », illustre Isil Ugurlu, Ambassadrice EWPN pour l’Allemagne. Positionnement confirmé par Lieven Lambrecht, DRH de PwC Luxembourg : « Nous recrutons tous les profils, aussi bien des étudiants en école de commerce que des titulaires de Master en histoire. L’important est d’avoir une bonne méthodologie et culture générale. La connaissance du marché peut s’apprendre sur le terrain ». La situation semble donc propice au renforcement de la diversité au sein de l’écosystème européen des paiements.
Par Andréa TOUCINHO, Directrice Études, Prospective et Formations,
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